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Les rêveries colorées de Lucie COLLOT

par Gérard Denizeau 

Février 2013

 

<< Sans rompre le lien avec la captation visuelle et sensuelle du monde, les œuvres de Lucie Collot favorisent l’éclosion d’une matière nouvelle, diaphane, mouvante, comme si l’artiste avait pour ultime obsession de restituer l’immensité de paysages frappés au coin de l’éternité. Des paysages colorés, non exempts d’une certaine mélancolie, nimbés d’une aura inaugurale, au sein desquels le spectateur perçoit l’écho d’un appel lointain. Si la palette est pour l’essentiel fondée sur une gamme de couleurs vives, lyriques et expressives, c’est que ces teintes animent sans trêve ni langueur les songeries fantastiques assaillant l’imagination de l’artiste. Songeries délicates certes, mais aussi nourries de puissance, de vigueur, d’énergie, sans préjudice d’une nuance lyrique fortement teintée d’émotion élégiaque. Nul abandon ici, mais bien au contraire la force revendiquée de lignes flexibles et de masses bigarrées, attestant un appétit de création peu commun et une passion de peindre aussi ardente qu’intense.

 

 

Sur le principe de la variation, Lucie Collot se plaît à développer des séries d’une originalité savoureuse, source d’une production protéiforme dont tous les paramètres stylistiques affirment un principe instinctif de liberté purement sensorielle. Intense et douce, génératrice de fragments irréguliers aux éclats tremblants, la palette favorise l’éclosion d’une lumière intérieure projetée vers les profondeurs de la mémoire. La déstabilisation de la surface par enchevêtrement des lignes, dissonance des couleurs et affrontement des masses, génère cet équilibre dans la turbulence qui est la marque même de la vie. Au rebours d’un engagement esthétique sclérosant qui aura ruiné tout un pan de la création visuelle au crépuscule du second millénaire, cette peinture inclassable refuse toute forme d’enfermement expressif, rejette toute catégorisation esthétique. La vision ne vit que dans le mouvement, l’artifice en étant exclu au profit d’une vérité assumée du geste, d’une spontanéité formelle inscrite dans la fugacité d’un temps et d’un espace dynamiques.

 

 

Aux yeux de notre jeune créatrice, aucun refus n’apparaît plus déterminé que celui de l’immobilisme. Défiante à l’endroit d’une technique trop éprouvée – voire scolaire –, pionnière de sa propre manière, Lucie Collot écarte inlassablement toute tentation de devenir ainsi la spectatrice complaisante de sa propre peinture. Dans ses visions enchanteresses, les effets de symétrie et de parallélisme imposent un cadre structurel dont la fermeté n’exclut nullement la souplesse, cependant que les collisions de couleurs déstabilisent la surface de la composition, créant de troublants effets d’oscillation et de profondeur. Si la liberté chromatique peut parfois conduire l’artiste aux frontières du déséquilibre, elle l’autorise dans le même temps à charger l’image d’une intensité spirituelle renvoyant aux fastes de la mosaïque orientale. En quête d’une vision souveraine, les œuvres de Lucie Collot proposent moins l’exploration du monde que sa capture fugitive, conviant à un retour nostalgique vers cette contrée sauvage qui aurait vu naître la peinture. Une peinture dont elle exige beaucoup… émotion, authenticité, rigueur, poésie, force, vertu… une peinture qui, refusant le confort de l’art de cour, choisit la voie d’un affrontement lyrique, turbulent, sensible. Une peinture d’artiste, en un mot. >>

 

 

 

 

 

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